25 juin 2013

LA BIO DE L'ALBUM PAR PHILIPPE BARBOT


 

Il y a des rencontres qui ne doivent rien au hasard. Question d'atomes crochus, avec ou sans croches. Ainsi, la réunion aux sonnets de Bertrand Louis, artiste non conformiste et chantre des travers de l'époque, et de Philippe Muray, philosophe du désespoir ironique et chroniqueur de l'absurdité moderne, pouvait sembler inexorable.

C'est chose faite, à travers "SANS MOI", un album mis en musique par le premier sur des textes du second. Des poèmes corrosifs et tendres, sombres et flamboyants, sortes d'odes au désastre contemporain, extraits d'un recueil intitulé "Minimum Respect", publié en 2003, peu avant la disparition de son auteur.

Lorsque Bertrand Louis a eu le coup de foudre pour l'œuvre de Philippe Muray, découverte via une interview de Michel Houellebecq, il avait déjà composé la plupart des musiques. Puzzle idéal, les textes se sont imbriqués d'eux-mêmes dans l'électro rock tissé de guitares rageuses, de synthés sauteurs et d'un piano agile qui scandent tout l'album.

A l'image de l'opus précédent, "Le Centre Commercial", romances noires  contant le pétage de plombs d'une victime de la société de consommation, "SANS MOI" évoque tout à la fois la détestation du monde et l'amour d'une femme.

De "Ce que j'aime", délectable inventaire à la Prévert des emmerdes quotidiennes et apologie du bordel ambiant, à "La Comédie humaine", portraits croisés forgés d'expressions à la saugrenuité usuelle, en passant par "Lâche-moi Tout", litanie du laisser aller volontaire, c'est une symphonie misanthrope aussi féroce qu'attendrissante, aussi acrobatique que désinvolte, que propose Bertrand Louis dans ce cinquième album.

Avec des Moog qui mugissent, des cordes qui malaxent l'oreille et des tas de gros mots qui grommellent. Avec la participation de Lisa Portelli pour deux chansons, dont l'une, "10 Septembre 2001"  met en scène le naufrage d'un couple à la veille d'une catastrophe nullement annoncée.

"On n'est pas à l'abri d'un succès", chantait Bertrand Louis dans son précédent album. D'une réussite non plus. La preuve. (Philippe Barbot)

19 juin 2013

L’EXISTENCE DE DIEU




 (Photo de Karine Burckel)


L’EXISTENCE DE DIEU

(Philippe Muray, Les Belles Lettres, 2003)

Entre avant-hier et demain
Il y avait toujours tes mains
Parfum perdu doigts de satin
Je me souviens de ces matins

Entre vendredi et l’hiver
Je sentais battre tes artères
Lumière de l’être chair de ma chair
Notre bonheur était précaire

Entre lundi et l’univers
Il y avait des ciels amers
Cheveux froissés draps du matin
Je sens toujours courir tes mains

Entre tes seins et le lointain
On entendait chanter un psaume
Essor d’oiseau nuage carmin
Je me souviens de ce royaume

Entre le présent et tes reins
Mes appétits étaient sans fin
Fièvre passée murmure d’amour
Je te revois à contre-jour

Entre avant-hier et l’imparfait
Il y avait ton corps parfait
Années finies ciel immobile
Que notre joie était fragile

Entre novembre et le soleil
Tu étais comme un arc-en-ciel
Feu de ton ventre croix de tes yeux
Tu prouvais l’existence de Dieu


SPLEEN

  Nouvel inédit de l'album BAUDELAIRE (2018) disponible sur les plateformes. Bertrand Louis - Spleen (bfan.link)